Le Solo, c’est beau.
Voilà une jolie pile de très bons jeux ! J’ai testé les variantes Solo de chacun d’entre-eux. En résumé, voilà ce que ça donne.
Voilà une jolie pile de très bons jeux ! J’ai testé les variantes Solo de chacun d’entre-eux. En résumé, voilà ce que ça donne.
La série du « Solo Spécial Confinement » se poursuit ! Cette fois-ci, c’est avec l’un des plus adorables jeux de société parus l’an passé. Préparez-vous à du lourd. Aujourd’hui, c’est pause café, vente de biscuits et pulls tricotés dans les sous-bois.
Root est un jeu de stratégie créé par Cole Wehrle. Il est illustré par Kyle Ferrin. C’est publié chez Leder Games et traduit en français par Matagot. C’est pour 1 à 5 joueurs. Les parties peuvent durer jusqu’à deux heures lorsque l’on est plusieurs. En solo, il faut compter trois quarts d’heure, mise en place non incluse.
Quel est le but du jeu ?
Et bien, la question est plus épineuse que prévu. Voyez-vous, les sous-bois sont le théâtre de luttes de pouvoirs sans précédent. La grande Marquise de Chat, qui possède les clairières depuis visiblement moult années, doit faire face à plusieurs ennemis qui vont tenter de prendre son trône. Certains disent qu’elle est malveillante et ne voient pas d’un bon œil sa politique de pillage et d’industrialisation des bosquets. D’autres en ont assez de subir les conséquences de ses pratiques peu recommandables et de vivre dans la misère. Et puis, vous avez également les opportunistes habituels qui en profitent pour comploter tranquillement depuis les branchages.
Chaque joueur contrôle de l’un des opposants à la marquise (ou la marquise elle-même, pour les plus mégalomaniaques qui aiment rire diaboliquement dans un coin de la table) et tente de remporter la victoire. Le premier qui possède suffisamment d’influence ou parvient à accomplir une mission spécifique lui permettant d’étendre sa domination gagne la partie.
Comment ça marche ?
Root est un jeu asymétrique. Qu’est-ce que cela veut dire ? On a tendance à dire qu’un jeu est asymétrique lorsque chaque joueur a un objectif différent. On pourrait dire par exemple que Mr Jack (Hurrican) a une composante asymétrique dans le sens où celui qui incarne Jack l’Éventreur et celui qui endosse le rôle de l’inspecteur ont des ambitions diamétralement opposées. L’un doit s’échapper du plateau, l’autre doit l’en empêcher et l’arrêter.
L’originalité de Root est ailleurs. Le but est sensiblement le même pour tout le monde, à savoir « prendre le contrôle des sous-bois », mais les façons d’y parvenir sont diverses et surtout, chaque groupe répond à des règles différentes. Cela peut être un poil déroutant (haha) au début, car il est difficile de suivre ce que fait son adversaire lorsqu’on ne sait quelles règles lui permettent d’agir. Mais une fois celles-ci intégrées et les factions apprivoisées, le comportement de chacune d’entre elles apporte un côté très organique aux parties.
Je ne vais pas passer en revue toutes les façons de jouer, mais nous allons tout de même en étudier quelques-unes pour que chacun puisse se faire une idée de la chose.
La Marquise de Chat : c’est un peu la reine des sous-bois. Lors de la mise en place, elle contrôle toutes les clairières sauf une, qui résiste encore et toujours à l’envahisseur. Son objectif est de construire des bâtiments pour industrialiser la forêt. Elle recrute des soldats-chats à tour de bras et les envoie tabasser le petit peuple, fait des réserves de bois et attend son heure paisiblement dans un donjon (presque) imprenable. Sa puissance est colossale. Du coup, elle est une cible privilégiée pour les autres joueurs en début de partie.
En termes de mécanique, cela se traduit schématiquement comme suit :
Le matin, la marquise produit du bois
Le jour, elle répartit ses trois actions comme elle le souhaite. Elle peut déplacer ses troupes d’une clairière à une autre et combattre là où ses guerriers rencontrent des adversaires. Elle construit des bâtiments, dépense des cartes pour fabriquer des objets et surmène ses ouvriers pour qu’ils produisent plus de bois.
Au crépuscule, elle renfloue sa main.
Les Dynasties de la Canopée : les seigneurs de la forêt. En début de partie, ce sont eux qui contrôlent la dernière clairière que les chats ne parviennent pas à conquérir. Les oiseaux estiment être tout de même nettement supérieurs à tout le monde et complotent pour reprendre le pouvoir. Mais pour agir, le dirigeant doit toujours composer avec le Décret, qui ne cesse de s’étendre et qui peut provoquer des crises politiques de grande envergure.
Du côté de la mécanique de jeu, ça donne :
Le matin, vous ajoutez une ou deux cartes au Décret.
Le jour, vous devez résoudre toutes les actions du Décret, autant de fois que le nombre de cartes présentes dedans. Ce dernier permet, dans cet ordre, de recruter des soldats, de déplacer des troupes, de combattre et de construire des perchoirs. Cela peut sembler un peu nébuleux, mais c’est assez simple à prendre en main. Exemple : si j’ai mis une carte rouge dans la colonne « combattre » du Décret, alors je suis obligée d’attaquer dans une clairière de couleur rouge.
Attention ! Si vous ne pouvez pas effectuer une action de votre Décret, pour n’importe quelle raison, c’est la crise. Il faut ici imaginer une sorte de grand coup d’État. Votre dirigeant est destitué, la Cour purgée, etc. Vous choisissez ensuite un nouveau leader et cela vous fait passer le reste de votre tour.
Au crépuscule, les oiseaux gagnent des points de victoire en fonction du nombre de perchoirs qu’ils possèdent et renflouent leur main de cartes.
Il existe bien d’autres factions qui jouent toutes différemment. L’Alliance de la forêt, qui est une sorte de groupement révolutionnaire constitué des petits peuples comme les souris et les lapins, tente de faire de la propagande pour s’attirer la sympathie des habitants, former des guérilleros et effectuer des actions coup de poing. Le Vagabond, c’est-à-dire le raton laveur, se promène dans les bois sans prendre part au conflit. Il réalise des quêtes diverses et variées pour se faire aimer de tout le monde et devenir une grande figure emblématique.
Le système est tout simplement passionnant. Je ne saurais pas comment le décrire autrement. Root est un jeu de conquête, de politique, d’aventure, de diplomatie, de commerce… Il vous permet de tout faire, cela ne dépend que de la faction que vous choisissez d’incarner. Il est immersif, malin et en plus il est mignon.
Et le solo dans tout ça ?
Il y a plusieurs modes disponibles dans la version française. Vous pouvez jouer à plusieurs les uns contre les autres, ce qui est le cœur de Root et ce que je vous recommande. Dans l’idéal, je dirais même qu’il faudrait être minimum trois pour en profiter au maximum. D’abord, certaines factions ne peuvent être utilisées que si vous êtes en grand nombre. Mais surtout, comme n’importe quel jeu de conquête de territoire, il est fondé sur les interactions entre les différents adversaires. J’ai donc toujours tendance à penser que plus on est, mieux c’est.
Il existe également un mode coopératif qui permet à tous le monde de s’allier contre le Chat, qui est alors joué par un automate, la Marquise Mécanique.
Et puis il y a le mode solo.
Là encore, vous choisissez une faction et vous devrez lutter contre la Marquise Mécanique, qui utilise un système de roulement de cartes très différent des règles qu’un humain aurait à respecter s’il incarnait le Chat.
À chaque tour, votre adversaire pioche la première carte de sa file d’ordres et agit sur toutes les clairières de la même couleur. Si c’est un joker, alors l’automate jouera partout. Il combat là où il peut, se déplace au regard d’un ordre de priorité établi sur son plateau, et recrute en fonction des symboles présents sur la carte tirée au début de son tour. S’il n’y en a pas et qu’il ne peut pas recruter, il recommence immédiatement sa journée en montrant la carte d’après.
Le joueur humain utilise des Espions pour aller voir ce que la Marquise fera dans les tours suivants. Il peut même se débrouiller pour échanger des cartes de place et ainsi maîtriser un petit peu ce qui va lui tomber dessus.
L’automate est à la fois très fort, et très bête. Comme pour Wingspan (Stonemaier Games), c’est un véritable rouleau compresseur et il faut réagir très vite si vous ne voulez pas vous faire devancer de façon exponentielle. En fonction des cartes tirées, il peut ne marquer aucun point lors de son tour, et 10 celui d’après. Il faut toujours anticiper !
Pour résumer un petit peu, je dirais ceci : Root, en solo, c’est dur et ça marche. On vous propose même une campagne. Mais vraiment, jouez à plusieurs. C’est tellement plus fun.
Et c’est parti pour le troisième jeu de la série « les jeux solos en confinement ». Un jeu que beaucoup connaissent et que peu seront surpris de voir ici : Wingspan.
Wingspan est un jeu de Elizabeth Hargrave. Il est magnifiquement illustré par Ana Maria Martinez Jaramillo, Natalia Rojas et Beth Sobel. Une équipe 100% féminine, donc. Le tout est édité par Stonemaier Games et, en France, par Matagot. Une partie à plusieurs dure environ une heure. En solo, il faut compter une bonne demi-heure.
Il a fait grand bruit au moment de sa sortie, a été nominé pour une kyrielle de récompenses et a remporté le prestigieux Kennerspiel des Jahres en 2019. Bref, ce n’est pas de n’importe quel jeu dont on parle aujourd’hui, mais si je m’attarde peut-être un peu plus que nécessaire sur ce palmarès, c’est aussi parce que c’est la première fois qu’une femme gagne ce prix et il me semble que c’est important de le souligner.
Ceci étant fait, en avant !
Quel est le but du jeu ?
Les joueurs incarnent de grands passionnés d’ornithologie qui cherchent à attirer dans leur réserve naturelle le plus d’espèces d’oiseaux possible. Ils veulent créer le lieu le plus équilibré et le plus propice à leur développement. L’idée est donc pour vous de faire en sorte que votre parc à volatiles soit plus intéressant que celui de vos concurrents.
Pour y parvenir, vous allez accueillir des oiseaux dans les différents habitats disponibles (mare, plaine et forêt), les nourrir à l’aide de diverses ressources et leur permettre de pondre leurs œufs en toute tranquillité. La partie se déroule en 4 manches et à la fin de cette dernière, celui qui a le plus de points l’emporte.
Comment ça marche ?
Wingspan est un jeu de collection, c’est vrai, dans la mesure où vous cherchez à avoir le plus d’oiseaux possible sur votre « tableau ». Mais c’est surtout un jeu de combinaisons et un jeu à moteur. À chaque tour, vous avez une action à choisir parmi quatre :
1.Vous pouvez poser un nouvel oiseau dans votre parc en payant son coût en ressource et, éventuellement, en œuf. C’est l’action la plus simple et la seule qui, la plupart du temps, ne déclenche rien.
2.Vous pouvez chercher de la nourriture. Vous allez alors récupérer des ressources en fonction de ce qui est disponible à ce moment-là dans la mangeoire. Mais attention : plus vous avez d’oiseaux en FORET, plus cette action sera puissante. De plus, une fois cette dernière effectuée, les pouvoirs de chaque oiseau présent sur cet habitat se déclenchent, dans l’ordre de droite à gauche.
3.Vous pouvez pondre des œufs, c’est-à-dire aller les chercher dans la réserve et les déposer dans les nids des volatiles qui vivent dans votre parc. De la même manière, plus vous avez d’oiseaux en PLAINE, plus cette action sera puissante. Une fois celle-ci faite, les pouvoirs de chaque oiseau présent sur cet habitat se déclenchent, toujours dans l’ordre de droite à gauche.
4.Vous pouvez piocher des cartes. Là aussi, plus vous avez d’oiseaux dans votre MARE, plus cette action sera puissante. Une fois cette action réalisée, les pouvoirs de chaque oiseau présent sur cet habitat se déclenchent, encore dans l’ordre de droite à gauche.
L’idée générale est donc, sans rentrer dans les détails, de vous débrouiller pour toujours tirer le maximum d’une action lorsque vous la réalisez. Il est possible de faire des chaînages extraordinaires qui vous permettront de prendre une longueur d’avance sur vos adversaires. À l’inverse, si vous vous retrouvez à en faire une sans en retirer aucun bonus, vous perdez du temps.
Le nombre d’actions est limité et diminue à chaque manche. La première est donc la plus importante ! Si vous êtes en retard à ce moment-là, vous risquez de le payer pendant toute la partie.
En plus de cela, chaque manche a un objectif qui permet de gagner des points supplémentaires en fonction de votre classement.
Je trouve Wingspan très malin. Il n’est pas très difficile à prendre en main, bien au contraire, mais les possibilités de jeu qu’il offre sont très nombreuses. Les cartes sont uniques et vous demandent de constamment adapter vos stratégies si vous voulez profiter au maximum des forces des oiseaux présents dans votre parc.
Il faut cependant garder à l’esprit que ce n’est pas très interactif. Les amateurs de jeux à moteurs tels que Splendor (Marc André – Space Cowboys), Space Explorer (Yuri Zhuravljov – Blam !) ou encore Century (Emerson Matsuuchi – Plan B), s’y retrouveront beaucoup plus que ceux qui préfèrent des jeux où les interactions sont au cœur des mécaniques.
Et le solo, dans tout ça ?
La force du solo découle sans doute de la remarque que je viens de faire. Wingspan n’est pas très interactif, donc jouer en solo ne change pas grand-chose à l’affaire. Vous jouez cette fois-ci seul contre l’Automa, qui est représenté par un paquet de cartes. L’Automa n’a pas de parc. Il ne choisit pas où poser ses oiseaux ou quelle action est la plus optimale en fonction de ce que vous choisissez de faire. Non, il faut plutôt le voir comme un gros rouleau compresseur (surtout si vous jouez contre lui en expert, ce qui est mon cas et mon âme a été brisée) qui aura presque toujours une longueur d’avance sur vous.
À son tour, il pioche une carte et réalise l’action indiquée en fonction de la manche en cours. Cela peut-être : récupérer un oiseau au hasard qu’il gardera face cachée, mais qui lui rapportera un nombre de points fixe, collectionner le meilleur oiseau parmi ceux qui correspondent à sa carte bonus, pondre des œufs, piquer des ressources dans la mangeoire ou/et avancer sur l’objectif de la manche.
Tout ça pour dire : ça marche plutôt bien. Il va très vite, le bougre. Et il ne fait pas d’erreurs, lui. Jamais.
Après six parties acharnées, nous sommes actuellement à trois victoires et trois défaites chacun…
J’échafaude déjà des stratégies pour lui rouler dessus lors de notre prochain duel.
Pour ce deuxième article « spécial confinement », nous allons nous pencher sur l’un des meilleurs jeux de ma collection, ou en tout cas l’un de ceux pour lesquels j’ai une affection toute singulière : Spirit Island.
Spirit Island est un jeu coopératif de R. Eric Reuss. Il est illustré par (attention, c’est long) Jason Behnke, Loïc Berger, Kat. G. Bermelin, Loïc Billiau, Cari Corene, Lucas Durham, Rocky Hammer, Sydni Kruger, Nolan, Nasser, Jorge Ramos, Adam Rebottaro, Moro Rogers, Graham Sternberg, Shane Tyree et Joshua Wright. Il est édité en français par Intrafin.
Une partie dure entre une et deux heures en fonction du nombre de joueurs, de la configuration choisie, de la difficulté et de votre tendance à tergiverser.
Quel est le but du jeu ?
Les joueurs incarnent les grands esprits protecteurs d’une île soumise à un immense péril : des envahisseurs viennent de poser le pied sur votre terre sacrée ! Rien ne va plus ! Ces mécréants explorent et construisent des villages partout, brûlent vos forêts luxuriantes, mettent en danger les autochtones, ravagent tout sur leur passage et n’ont visiblement aucun égard pour votre tendre sensibilité.
Mais vous, êtres divins et bienfaiteurs, vous êtes au-dessus de ces petits imposteurs. Vous avez donc trouvé une solution pour sauvegarder ces marécages que vous aimez tant. Il faut détruire les occupants ! Tous, jusqu’au dernier ! Anéantir leurs cités, et massacrer tout le monde. Et surtout, il faut leur faire peur ! Les terroriser nuit et jour, jusque dans leurs foyers ! Faire couler le sang et traumatiser le cœur fragile des hommes ! Vous ne serez satisfaits que lorsqu’ils seront tous morts ou qu’ils fuiront l’île dans la plus grande pagaille, terrifiés et tourmentés pour le restant de leurs jours.
Voilà. Vous êtes dans l’ambiance? Très bien.
Comment ça marche ?
Ça marche très, très bien.
Pour parvenir à ses fins, chaque joueur prend le contrôle d’un esprit, qu’il choisit parmi les huit disponibles. Chaque divinité a une façon très particulière de se comporter et possède de nombreux paramètres : elle a des forces et des faiblesses, une manière bien à elle de croître et d’agir, un paquet de cartes de départ ainsi qu’une mise en place personnalisée. Un esprit peut être offensif ou défensif, rapide ou lent, s’attaquer aux villes ou aux hommes, agir depuis les côtes ou depuis l’intérieur des terres, interagir avec les dahans (vos autochtones) ou avec les envahisseurs, être terrifiant ou pas du tout. Certains soutiennent les autres. D’autres sont très solitaires. La polyvalence est rare. Cela donne au jeu une asymétrie très intéressante à gérer.
L’idée générale est donc d’apprivoiser la divinité que vous avez et tirer le maximum de ses capacités.
Il y a trois grandes composantes dans Spirit Island. Je ne vais pas entrer dans le détail, car les possibilités sont dantesques, mais voilà comment on pourrait résumer la chose.
Les joueurs agissent trois plateaux différents. Il y a l’île, sur laquelle toutes les batailles ont lieu. C’est là que vous vous déplacez, que vous créez des sites sacrés, que vous détruisez les envahisseurs et tentez d’établir des stratégies pour protéger les territoires en danger. Les dahans (les gros champignons) sont vos principales forces armées. Ce sont eux qui, si ils survivent, détruiront le plus de cités! Cerise sur le gâteau, l’île est modulable.
Il y a ensuite le plateau des Envahisseurs, qui gère leurs mouvements et leurs actions ainsi que les différents niveaux de terreur dont ils sont les proies. Les joueurs doivent toujours être très attentifs à ce plateau : c’est là qu’ils peuvent anticiper les actions de leurs adversaires et surtout faire monter le niveau de peur. Plus ce niveau est élevé, plus c’est facile de gagner. Il existe même une condition spéciale : si les occupants sont totalement submergés par l’effroi, la victoire est à vous sans avoir à les détruire, car ils s’enfuient !
Il y a enfin le plateau Esprit que chaque joueur possède. C’est là que vous décidez comment vous souhaitez croitre, ce qui est le cœur du jeu : vous pouvez gagner de nouvelles cartes, récupérer celles qui sont dans votre défausse (pas de pioche automatique !), gérer votre niveau d’énergie et le nombre de cartes que vous pourrez jouer pendant votre tour. C’est aussi là que les pouvoirs spéciaux de votre esprit se trouvent.
Les phases sont spécifiques et doivent être suivies à la lettre. Lors de vos premières parties, n’hésitez pas à avoir une aide de jeu à portée de main pour être sûrs de ne pas vous tromper. Je ne vais pas entrer dans les détails des règles, il y a des articles sur internet qui font ça très bien.
Le principe le plus important est de toujours garder le rythme. C’est un peu comme un marathon. Si les envahisseurs ravagent trop de régions, vous avez perdu. Si vous avez été trop lents et qu’ils achèvent d’explorer l’île, vous avez perdu. Si un esprit se fait chasser de l’île (c’est rare, mais ça peut arriver), vous avez perdu. Bref, on perd vite et beaucoup.
Spirit Island vous propose donc une grande diversité de mises en place et de modes de jeu, du plus facile au plus difficile et du plus simple au plus complexe. Cela permet aux nouveaux joueurs de prendre en main les mécaniques au fur et à mesure. Et c’est assez génial. Pas la peine d’essayer de jouer directement avec Le Porteur de Rêves et de Cauchemars (« Coucou, Beuh ! » pour les intimes), ou vous risquez d’y laisser quelques plumes.
Pour ma part, j’ai dû faire une petite trentaine de parties, que ce soit à plusieurs ou en solo, et je n’ai pas encore tout testé. Le contenu est simplement gargantuesque.
Et le solo dans tout ça ?
Spirit Island s’adapte parfaitement à n’importe quel nombre de joueurs. J’ai même vu des gens jouer à 6 en rajoutant des plateaux d’île, ces grands fous. Lorsque l’on est seul, il faut juste faire attention aux cartes visant les alliés, qui deviennent obsolètes. On peut tenter l’aventure avec deux divinités en même temps pour éviter cet écueil, ce qui permet également de ne pas avoir à se casser la tête pour trouver un esprit qui peut se plier à l’exercice du solo. La Poigne Vorace de l’Océan, qui n’agit que sur les régions côtières, est un cauchemar en solo.
Moi, j’aime bien jouer avec La Prolifération de la Verdure Rampante. C’est une espèce de gros buisson. Il ne fait pas très peur, mais il est rapidement présent partout et quasiment impossible à chasser de l’île. J’ai un ami qui ne jure que par Le Jaillissement de la Rivière Étincelante (l’un des esprits les plus simples à prendre en main), qui est selon lui le plus polyvalent.
Comme vous pouvez moduler la difficulté à chaque partie en choisissant un mode de jeu qui vous convient, faites-vous plaisir !
Une dernière chose tout de même avant de partir : j’adore le Spirit Island, vraiment, je l’aime, mais la traduction française est, il faut l’admettre, assez aléatoire. N’hésitez donc pas dès que vous tombez sur une quelconque bizarrerie à vous renseigner un peu. Généralement, lire la version anglaise d’une carte répond à toutes mes questions.
A bientôt pour de nouvelles aventures!
En cette période de confinement, je me retrouve comme beaucoup d’entre-vous à jouer tous les jours à à peu près tout ce qui me passe sous la main. C’est l’occasion de redécouvrir des jeux jusque-là oubliés quelque part dans les profondeurs de ma ludothèque ou de sortir mes petits préférés.
Mais voilà, coupée de mon cercle de joueurs habituels qui adorent les gros jeux qui durent longtemps (ceux avec beaucoup de cubes et de cartes, ceux qui vous laissent souvent avec le cerveau en ébullition et avec une drôle de sensation d’ivresse), je découpe mes journées en deux temps : jeux en solo le matin et jeux familiaux avec ma colocataire le soir, lorsque le cœur lui en dit.
Pour être honnête, je n’aime pas tellement jouer en solitaire à des jeux de société. Peut-être parce que beaucoup de variantes solo ne font pas honneur aux jeux auxquels elles appartiennent. Allez savoir. Mais comme nous sommes dans une drôle de période, je me suis dit que j’allais tester toutes les variantes solo des jeux de ma ludothèque (il y en a quelques-uns, mais rassurez-vous, on a le temps) et voir ce que ça donne.
Maintenant que cette longue introduction est achevée, nous pouvons passer à notre premier cobaye : Freedom, The Underground Railroad.
La nouvelle édition d’Asyncron vient d’arriver, c’est de Brian Mayer et c’est illustré par Jarek Nocoń et Steve Paschal. C’est un jeu coopératif. En solo, il dure à peu près 45 minutes. Il faut compter facilement une heure et demie lorsque vous jouez à plusieurs.
Quel est le but du jeu ? Les joueurs incarnent ici des abolitionnistes qui tentent de libérer les esclaves retenus dans les plantations du sud des États-Unis. Ils tenteront de les emmener jusqu’au Canada pour qu’ils puissent ainsi gagner leur liberté en empruntant des chemins clandestins et en se cachant des infâmes chasseurs d’esclaves.
Pour parvenir à sauver le plus de personnes possible, les joueurs devront interagir sur deux tableaux en même temps :
1. La carte de l’est des États-Unis sur laquelle ils géreront les déplacements des esclaves en cavale et des chasseurs ainsi que les aides financières des alliés présents dans certaines villes. La plupart des villes et villages ne peuvent accueillir qu’un seul esclave à la fois, mais quelques grandes villes permettent de se regrouper.
2. Le plateau des abolitionnistes qui permet de recruter des conducteurs (indispensables, ce sont eux qui transportent tout le monde), de faire des levées de fonds (rares, mais très précieuses) et de déclencher des événements ou l’apparition de certains personnages (une carte par tour maximum). Attention, c’est aussi sur ce plateau que vos ennemis sont les plus puissants et vos opposants n’hésitent pas à vous mettre des bâtons dans les roues.
Pour gagner la partie, il faut parvenir à libérer un nombre d’esclaves déterminé en fonction du nombre de joueurs et de la difficulté choisie ET obtenir suffisamment de jetons d’influence (déterminé de la même manière). Tout cela, avant que les chasseurs et les marchés aux esclaves vous prennent de vitesse. Et ils vont vite.
Comment ça marche?
Chaque tour se déroule ainsi :
Les chasseurs bougent et éventuellement capturent un ou plusieurs esclaves en fuite. Gardez à l’esprit que, comme ces déplacements sont déterminés par le hasard, ils ont tendance à toujours aller là où l’on voudrait qu’ils n’aillent SURTOUT PAS.
Les joueurs peuvent investir pour récupérer jusqu’à deux jetons, que ce soient des conducteurs, des levées de fonds ou des jetons d’influence. L’argent est le nerf de la guerre. Il faut constamment être attentif à ne pas trop en investir, ou l’on risque de se retrouver sans ressource à un moment critique !
Les joueurs agissent. Ils utilisent leurs jetons pour déplacer des esclaves, récolter de l’argent, acheter des cartes, utiliser la capacité de leur personnage,etc. La difficulté principale reste que chaque fois que vous déplacez quelqu’un, vous risquez d’attirer l’attention d’un chasseur et il n’est pas rare de se retrouver pris en tenaille. Il m’est arrivé d’avoir un groupe d’esclaves piégé entre plusieurs chasseurs à Chicago. À ce moment-là, bouger signifie la mort et il vaut mieux attendre, et attendre encore jusqu’à ce que vous soyez en mesure de faire diversion.
Le marché aux esclaves vend tous ceux qu’il peut aux différentes plantations du Sud. S’il n’y a pas assez de place (le scénario catastrophe), les esclaves en surplus sont perdus. Si trop d’entre-eux sont perdus, c’est la défaite.
On fait une phase d’entretien pour remettre des cartes, et on recommence. Si au bout d’un certain nombre de tours, vous n’avez pas réussi votre double objectif, vous perdez. Il ne faut donc pas trop tarder.
Le jeu vous incite parfois à faire des choix cornéliens, et c’est aussi là toute sa force. Il est très immersif et vos petits cubes en bois, vous y tenez tellement que devoir en sacrifier même juste un pour en sauver d’autres (je repense à mon groupe bloqué à Chicago pendant deux tours, pour lequel j’ai dû faire diversion en mettant en péril plusieurs vies), c’est une décision que vous n’allez pas avoir envie de prendre.
Et le solo, dans tout ça ?
Le solo, il est très bien. Il ne demande aucune modification des règles, il est tout aussi immersif qu’une partie à plusieurs et ce n’est pas une bête course au point. Le but du jeu n’est pas modifié, je n’ai pas eu l’impression de jouer à une simulation mécano-mécanique. On perd les discussions stratégiques, les prises de bec et les plans sur la comète coutumiers des jeux coopératifs, ce qui est inhérent au jeu en solitaire et cela, on ne peut pas y faire grand-chose. Pour le reste, c’est vraiment sympa.
Ceci dit, je ne peux vous quitter sans vous donner un conseil que je vous recommande chaudement de suivre : si vous voyez la carte Abraham Lincoln, ne la laissez pas vous passer entre les doigts ! Elle m’a sauvé la mise une paire de fois alors que tout semblait perdu. Potentiellement la meilleure carte du jeu.
Bon confinement, restez prudents, et à bientôt !