La série du « Solo Spécial Confinement » se poursuit ! Cette fois-ci, c’est avec l’un des plus adorables jeux de société parus l’an passé. Préparez-vous à du lourd. Aujourd’hui, c’est pause café, vente de biscuits et pulls tricotés dans les sous-bois.
Root est un jeu de stratégie créé par Cole Wehrle. Il est illustré par Kyle Ferrin. C’est publié chez Leder Games et traduit en français par Matagot. C’est pour 1 à 5 joueurs. Les parties peuvent durer jusqu’à deux heures lorsque l’on est plusieurs. En solo, il faut compter trois quarts d’heure, mise en place non incluse.
Quel est le but du jeu ?
Et bien, la question est plus épineuse que prévu. Voyez-vous, les sous-bois sont le théâtre de luttes de pouvoirs sans précédent. La grande Marquise de Chat, qui possède les clairières depuis visiblement moult années, doit faire face à plusieurs ennemis qui vont tenter de prendre son trône. Certains disent qu’elle est malveillante et ne voient pas d’un bon œil sa politique de pillage et d’industrialisation des bosquets. D’autres en ont assez de subir les conséquences de ses pratiques peu recommandables et de vivre dans la misère. Et puis, vous avez également les opportunistes habituels qui en profitent pour comploter tranquillement depuis les branchages.
Chaque joueur contrôle de l’un des opposants à la marquise (ou la marquise elle-même, pour les plus mégalomaniaques qui aiment rire diaboliquement dans un coin de la table) et tente de remporter la victoire. Le premier qui possède suffisamment d’influence ou parvient à accomplir une mission spécifique lui permettant d’étendre sa domination gagne la partie.
Comment ça marche ?
Root est un jeu asymétrique. Qu’est-ce que cela veut dire ? On a tendance à dire qu’un jeu est asymétrique lorsque chaque joueur a un objectif différent. On pourrait dire par exemple que Mr Jack (Hurrican) a une composante asymétrique dans le sens où celui qui incarne Jack l’Éventreur et celui qui endosse le rôle de l’inspecteur ont des ambitions diamétralement opposées. L’un doit s’échapper du plateau, l’autre doit l’en empêcher et l’arrêter.
L’originalité de Root est ailleurs. Le but est sensiblement le même pour tout le monde, à savoir « prendre le contrôle des sous-bois », mais les façons d’y parvenir sont diverses et surtout, chaque groupe répond à des règles différentes. Cela peut être un poil déroutant (haha) au début, car il est difficile de suivre ce que fait son adversaire lorsqu’on ne sait quelles règles lui permettent d’agir. Mais une fois celles-ci intégrées et les factions apprivoisées, le comportement de chacune d’entre elles apporte un côté très organique aux parties.
Je ne vais pas passer en revue toutes les façons de jouer, mais nous allons tout de même en étudier quelques-unes pour que chacun puisse se faire une idée de la chose.
La Marquise de Chat : c’est un peu la reine des sous-bois. Lors de la mise en place, elle contrôle toutes les clairières sauf une, qui résiste encore et toujours à l’envahisseur. Son objectif est de construire des bâtiments pour industrialiser la forêt. Elle recrute des soldats-chats à tour de bras et les envoie tabasser le petit peuple, fait des réserves de bois et attend son heure paisiblement dans un donjon (presque) imprenable. Sa puissance est colossale. Du coup, elle est une cible privilégiée pour les autres joueurs en début de partie.
En termes de mécanique, cela se traduit schématiquement comme suit :
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Le matin, la marquise produit du bois
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Le jour, elle répartit ses trois actions comme elle le souhaite. Elle peut déplacer ses troupes d’une clairière à une autre et combattre là où ses guerriers rencontrent des adversaires. Elle construit des bâtiments, dépense des cartes pour fabriquer des objets et surmène ses ouvriers pour qu’ils produisent plus de bois.
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Au crépuscule, elle renfloue sa main.
Les Dynasties de la Canopée : les seigneurs de la forêt. En début de partie, ce sont eux qui contrôlent la dernière clairière que les chats ne parviennent pas à conquérir. Les oiseaux estiment être tout de même nettement supérieurs à tout le monde et complotent pour reprendre le pouvoir. Mais pour agir, le dirigeant doit toujours composer avec le Décret, qui ne cesse de s’étendre et qui peut provoquer des crises politiques de grande envergure.
Du côté de la mécanique de jeu, ça donne :
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Le matin, vous ajoutez une ou deux cartes au Décret.
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Le jour, vous devez résoudre toutes les actions du Décret, autant de fois que le nombre de cartes présentes dedans. Ce dernier permet, dans cet ordre, de recruter des soldats, de déplacer des troupes, de combattre et de construire des perchoirs. Cela peut sembler un peu nébuleux, mais c’est assez simple à prendre en main. Exemple : si j’ai mis une carte rouge dans la colonne « combattre » du Décret, alors je suis obligée d’attaquer dans une clairière de couleur rouge.
Attention ! Si vous ne pouvez pas effectuer une action de votre Décret, pour n’importe quelle raison, c’est la crise. Il faut ici imaginer une sorte de grand coup d’État. Votre dirigeant est destitué, la Cour purgée, etc. Vous choisissez ensuite un nouveau leader et cela vous fait passer le reste de votre tour.
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Au crépuscule, les oiseaux gagnent des points de victoire en fonction du nombre de perchoirs qu’ils possèdent et renflouent leur main de cartes.
Il existe bien d’autres factions qui jouent toutes différemment. L’Alliance de la forêt, qui est une sorte de groupement révolutionnaire constitué des petits peuples comme les souris et les lapins, tente de faire de la propagande pour s’attirer la sympathie des habitants, former des guérilleros et effectuer des actions coup de poing. Le Vagabond, c’est-à-dire le raton laveur, se promène dans les bois sans prendre part au conflit. Il réalise des quêtes diverses et variées pour se faire aimer de tout le monde et devenir une grande figure emblématique.
Le système est tout simplement passionnant. Je ne saurais pas comment le décrire autrement. Root est un jeu de conquête, de politique, d’aventure, de diplomatie, de commerce… Il vous permet de tout faire, cela ne dépend que de la faction que vous choisissez d’incarner. Il est immersif, malin et en plus il est mignon.
Et le solo dans tout ça ?
Il y a plusieurs modes disponibles dans la version française. Vous pouvez jouer à plusieurs les uns contre les autres, ce qui est le cœur de Root et ce que je vous recommande. Dans l’idéal, je dirais même qu’il faudrait être minimum trois pour en profiter au maximum. D’abord, certaines factions ne peuvent être utilisées que si vous êtes en grand nombre. Mais surtout, comme n’importe quel jeu de conquête de territoire, il est fondé sur les interactions entre les différents adversaires. J’ai donc toujours tendance à penser que plus on est, mieux c’est.
Il existe également un mode coopératif qui permet à tous le monde de s’allier contre le Chat, qui est alors joué par un automate, la Marquise Mécanique.
Et puis il y a le mode solo.
Là encore, vous choisissez une faction et vous devrez lutter contre la Marquise Mécanique, qui utilise un système de roulement de cartes très différent des règles qu’un humain aurait à respecter s’il incarnait le Chat.
À chaque tour, votre adversaire pioche la première carte de sa file d’ordres et agit sur toutes les clairières de la même couleur. Si c’est un joker, alors l’automate jouera partout. Il combat là où il peut, se déplace au regard d’un ordre de priorité établi sur son plateau, et recrute en fonction des symboles présents sur la carte tirée au début de son tour. S’il n’y en a pas et qu’il ne peut pas recruter, il recommence immédiatement sa journée en montrant la carte d’après.
Le joueur humain utilise des Espions pour aller voir ce que la Marquise fera dans les tours suivants. Il peut même se débrouiller pour échanger des cartes de place et ainsi maîtriser un petit peu ce qui va lui tomber dessus.
L’automate est à la fois très fort, et très bête. Comme pour Wingspan (Stonemaier Games), c’est un véritable rouleau compresseur et il faut réagir très vite si vous ne voulez pas vous faire devancer de façon exponentielle. En fonction des cartes tirées, il peut ne marquer aucun point lors de son tour, et 10 celui d’après. Il faut toujours anticiper !
Pour résumer un petit peu, je dirais ceci : Root, en solo, c’est dur et ça marche. On vous propose même une campagne. Mais vraiment, jouez à plusieurs. C’est tellement plus fun.